Inauguration de l’exposition “Journal of Times | Journal of Present Times” par Nadim Karam et curatée par Nayla Tamraz
L’exposition “Journal of Times | Journal of Present Times”, qui a ouvert ses portes aux Usines Abroyan le 27 mars et se poursuivra jusqu’au 2 mai 2024, raconte l’histoire des 30 années de pratique frénétique au sein du parcours atypique de Nadim Karam: la guerre de 2006, le déplacement des populations au Moyen-Orient, le contexte du confinement et l’explosion catastrophique au port de Beyrouth ont tous leur place dans l’œuvre polymorphe présentée en 5 sections à l’exposition.
La curatrice Nayla Tamraz et l’artiste Nadim Karam.
Comme un grand registre du temps présent, l’œuvre de Nadim Karam enregistre son temps, en particulier celui des 30 dernières années de vécu et d’Histoire: la guerre de 2006, le déplacement des populations du Moyen-Orient, le contexte de confinement, l’explosion catastrophique du port de Beyrouth y occupent une place certaine. Le grand panneau en triptyque intitulé Massacre (Matériaux mixtes sur toile, 200 x 360 cm, 2009) y a une importance centrale. Violence et poids de l’Histoire, ruines, enracinement et exil sont donc les questions qui traversent cette œuvre polymorphe, tant par les supports et formats qu’elle sollicite, que par les médiums, les matières et les techniques dans et à travers lesquels elle prend forme, que les caractères et les récits qu’elle génère. C’est cette fluidité des figures qui migrent en un flux continu de ses carnets de dessins jusqu’à l’espace public, en passant par de multiples avatars, que cette exposition en 5 sections retraçant le parcours de Karam invite aussi à considérer.
Cette histoire, c’est enfin et aussi celle des 30 années de pratique frénétique au sein du parcours atypique de Nadim Karam. Atypique, car le langage que développe Nadim Karam au fil de ces années n’est pas un langage conceptuel, où la théorie reste importante, ni un langage plastique au sens où, ses recherches et ses expérimentations, aussi plastiques qu’elles soient, ne cherchent pas à questionner le medium ni à résoudre une question esthétique. Les objets visuels que Karam donne à voir, même s’ils s’originent dans l’exercice du dessin, sont destinés à l’espace public. Pour les comprendre, il faudrait d’abord être familier avec ce qui se produit dans cet espace, les enjeux qui sous-tendent ce qu’on appelle “l’art dans l’espace public”, vouloir défendre l’idée d’un art dans l’espace public et à reconnaitre à cet art un statut artistique à part entière. Et c’est effectivement donc dans une forme de décalage par rapport aux tendances conceptuelles dominantes de l’art contemporain que se déploie la créativité de Karam. Cet écart est ce qui le définit comme un électron libre par rapport aux attentes de l’art de son époque.
L’œuvre de Nadim Karam ne remet pas en question l’ordre du monde qu’elle décrit. C’est pourtant un travail qui ne manque pas d’être controversé, sans doute parce que, à travers lui, se posent des questions fondamentales d’ordre politique, éthique, esthétique et institutionnel. Exposer ce travail, c’est s’engager aussi à exposer les débats qu’il a suscités.
Nadim Karam a déclaré: «La pratique du dessin est une thérapie qui m’éloigne des tracas du quotidien et du monde, elle me plonge dans l’immensité infinie des pages blanches, vides, qui attendent d’être remplies. Elle me connecte à mon moi intérieur et au-delà.»
La curatrice Nayla Tamraz a affirmé: «Comme un grand registre du temps présent, l’œuvre de Nadim Karam enregistre son temps.»
Biographie Nadim Karam
Artiste protéiforme à la démarche singulière, Nadim Karam crée des interventions éphémères ou pérennes qui donnent vie aux espaces urbains. Après des études en architecture à l’Université américaine de Beyrouth Karam s’installe au Japon en 1982, au plus fort de la guerre civile libanaise, pour y poursuivre ses études. Il débute sa carrière d’artiste pendant ses études doctorales en créant des performances et des installations qui témoignent de son intérêt pour les philosophies orientales et japonaises de l’espace, et développe ses propres concepts, basés sur les idées de “micro pluralisme”, d’“architecture-performance” et d’“architecture narrative”. Il développe, au début des années 1990, son vocabulaire artistique: un langage fait de formes insolites empreintes d’humour et de fantaisie mais structurellement liées à sa conviction que la diversité est une richesse qui nourrit notre lien à l’altérité. Empreint des cultures auxquelles il est confronté depuis son plus jeune âge, cet alphabet visuel fonctionne comme un hymne à la vie et à la diversité humanité. Dans l’espace public, la configuration collective, processionnelle et solennelle de ses sculptures qui fait écho aux rituels sacrés hérités de temps immémoriaux, devient la pierre angulaire de ses projets d’art urbain. L’œuvre sur papier de Karam constitue le socle à partir duquel émergent et se développent son œuvre peinte et sculptée mais aussi l’autre pendant de sa production plastique, une œuvre urbaine à la croisée de l’art et de l’architecture. Avec l’Atelier Hapsitus, le groupe pluridisciplinaire qu’il a fondé à Beyrouth en 1996, devenu Nadim Karam Studio à partir de 2020, il a réalisé des interventions urbaines à l’échelle internationale, dans des villes aussi diverses que Melbourne, Prague, Bruxelles, Dubaï, Beyrouth, Londres, Tokyo et Nara, explorant le potentiel de l’art urbain comme outil d’activation et de régénération urbaines. Quatre monographies ont également été publiées autour de son travail par les Editions Booth-Clibborn, Londres.